Cinq ans se sont écoulés depuis l’occupation par la Turquie des régions de Ras al-Ain/Serekaniye et de Tal Abyad/Gré Spi, à la suite de l’opération militaire appelée “Source de paix”, qui a débuté le 9 octobre 2019, sous prétexte de créer une “zone de sécurité”. Cependant, c’est l’inverse qui s’est produit, car la région a perdu en sécurité et en stabilité, et elle continue de subir des violations des droits humains et un manque de respect de l’État de droit.
L’incursion militaire a alors provoqué le déplacement de plus de 200 000 habitants originaires de la région. La Turquie et les factions de “l’Armée nationale syrienne” soutenues par elle ont bombardé de manière indiscriminée des bâtiments civils et ont systématiquement pillé les biens privés des habitants locaux, de diverses communautés, notamment les Kurdes. De plus, les factions de l’opposition syrienne ont empêché des centaines de familles déplacées de retourner chez elles et de récupérer leurs propriétés.
Des dizaines de milliers d’habitants autochtones restent déplacés de force, vivant dans des conditions humanitaires déplorables dans des camps de déplacés et des centres d’hébergement qui manquent de soutien et de reconnaissance officielle par les agences onusiennes. Selon des estimations d’organisations syriennes locales indépendantes, plus de 85 % des habitants de Ras al-Ain/Serekaniye sont encore déplacés, et la population kurde est passée de 75 000 à moins de 50 personnes. Le nombre d’Arméniens, de Syriaques et de Yézidis a diminué à quelques individus seulement. Par ailleurs, des milliers de familles déplacées d’autres régions de Syrie ont été installées dans les maisons des habitants déplacés de force, et des dizaines de familles irakiennes, dont certaines sont liées aux combattants de l’État islamique (Daech), y ont également été logées. En outre, la Turquie tente ouvertement de réinstaller un million de réfugiés syriens dans cette même région.
Les efforts des autorités turques et des factions armées liées à la Coalition syrienne de l’opposition pour modifier la structure démographique et culturelle de ces zones, à travers des déplacements forcés, la réinstallation d’autres groupes dans les maisons des autochtones et la turquisation ouverte, constituent un crime contre les populations autochtones, répréhensible par le droit international et le droit international humanitaire. Il s’agit d’une tentative de changer l’identité de la région dans son ensemble.
Au cours des cinq dernières années, la Turquie, qui contrôle effectivement tous les aspects militaires et civils de la région, n’a pas assumé ses responsabilités en vertu du droit international et n’a pris aucune mesure concrète et sérieuse pour protéger les civils ou améliorer les conditions de vie. Au lieu de cela, elle a fermé les yeux sur les violations
massives commises par les factions de « l’Armée nationale syrienne », ce qui a entraîné la prolifération des crimes tels que le pillage, le vol, les meurtres et les enlèvements. L’absence de responsabilité et de sanctions encourage la poursuite de ces violations et aggrave la souffrance des populations locales.
En tant que puissance occupante, la Turquie est tenue, en vertu de l’article 43 du Règlement de La Haye de 1907 et de la Quatrième Convention de Genève de 1949, de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour rétablir et garantir l’ordre public et la sécurité. Cette obligation inclut le devoir de veiller au respect des règles du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire applicables, de protéger les habitants des territoires occupés contre les actes de violence, et de ne tolérer aucune violence de la part de tiers.
Malgré ses engagements dans l’accord de “cessez –le- feu” signé avec les États-Unis le 17 octobre 2019, qui stipulait notamment “l’engagement à protéger les droits de l’homme, à protéger les communautés religieuses et ethniques, à garantir la sécurité et le bien-être de tous les habitants de la région sous contrôle turc, et à faire preuve d’une extrême prudence pour éviter de nuire aux civils et aux infrastructures civiles”, la Turquie s’est soustraite à ses responsabilités envers les populations et a fermé les yeux sur les violations et crimes à grande échelle pendant et après l’opération. Cela a conduit à une prolifération des actes de pillage, de vol, de meurtre, d’enlèvement et de détentions arbitraires.
Mettre fin à l’occupation, permettre le retour des déplacés dans leurs foyers et indemniser les personnes affectées dans le cadre d’un processus garantissant la responsabilité et la justice pour les victimes sont les revendications les plus urgentes du point de vue des organisations signataires de cette déclaration. Aucune solution pacifique durable ne peut être atteinte sans rendre justice aux victimes et sans garantir que ces crimes ne se reproduisent pas. En ce jour de commémoration douloureux, nous réaffirmons que la question des villes de Ras al-Ain/Serekaniye et de Tal Abyad représente une cause humanitaire et nationale syrienne d’une grande importance pour leurs habitants déplacés, qui aspirent à un jour où leurs foyers seront de nouveau libres et sûrs.
Ainsi, nous, les organisations signataires de cette déclaration, demandons ce qui suit:
- Nations Unies et Conseil de sécurité : Mettre fin à l’occupation et garantir le retour volontaire, sûr et digne des déplacés, conformément aux normes des Nations Unies qui garantissent leurs droits. Reconnaître officiellement les camps accueillant les déplacés et leur fournir le soutien nécessaire pour alléger leurs souffrances.
- Gouvernement des États-Unis : Assurer la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu et obliger la Turquie à respecter les clauses visant à protéger les populations civiles. Imposer des sanctions aux factions et groupes armés qui ont commis des violations et des crimes contre les civils, et travailler au retour des déplacés forcés dans leurs régions d’origine tout en soutenant les déplacés dans les camps.
- Commission d’enquête internationale indépendante et Mécanisme international impartial: Publier un rapport spécifique sur les zones sous contrôle turc concernant les violations des droits humains et mener des enquêtes structurelles sur les violations dans ces zones.
- Gouvernement turc : Assumer ses responsabilités en tant que puissance occupante, mettre fin aux actions des factions et groupes armés contre les civils, et établir un calendrier précis pour mettre fin à son occupation de ces zones afin de garantir le retour sécurisé des habitants dans leurs régions. Cesser d’utiliser l’eau comme arme contre les habitants du nord-est de la Syrie dans les zones occupées.
- Union européenne : Soutenir des projets visant à alléger les souffrances des déplacés dans les camps et centres d’hébergement, faire pression sur la Turquie pour qu’elle cesse de soutenir les factions et groupes qui commettent des crimes et des violations contre les civils, et œuvrer à la responsabilité des auteurs de ces crimes dans ces régions à travers un processus garantissant la responsabilité et l’équité pour les victimes. Aucune solution pacifique durable ne peut être atteinte sans justice pour les victimes.
Les organisations signataires, par ordre alphabétique:
- Accountability Advocates Organization
- Act for Afrin
- Adil Center for human Rights
- Afrin Platform
- Afrin Social Association
- Al Ahd
- Al Diyar Society
- Al Ghaith Development
- Al Nawras Development Organization
- Al Zajel
- Amal Al Furat Org
- Ambassadors Association for People with Disabilities
- Analysis and Strategic Studies Organization (ASO)
- Anwar Algahd
- ARAS Association
- Areej Organisation
- Artis Team for Arts, Culture and Children
- Ashna Development Organization
- ashti center
- Aso News network
- Bader Organization for Community Development
- Baladna
- BALLOON
- Bridges of Peace
- Bukra Ahla Association for Relief and Development
- Center for Research and Protection of Women’s Rights
- Centerofliertiesbefense
- Chaushka Women’s Association
- Cloud Org
- Community Solidarity Organization
- DAN for Relief and Development
- Dar Association for the Victims of Forced Displacement
- Das Leben
- DemoS
- Development Seeds Centre
- Dijla Organization for Development and Environment
- DOZ Organization
- Dya Al Aml
- Edraak Organization for Development and Peace
- Ella organization for development and peace building
- Emaar Al Mansura
- Engineering for Services
- Enlil Center
- Environmental Protection Association
- Ezdina Organization
- Fajr
- Foor Them
- Future Makers Team
- Hevy for relief and development
- HLD
- Hope Makers
- House of Citizenship Organization
- Human rights organization Afrin – Syria
- Human Rights Organization in Syria
- Humanitarian and Development Cooperation – HDC
- Insight Organization
- Jian Humanitarian Organization
- Jiyan foundation for human rights
- Kobani for Relief and Development
- Kurdish Cultural Association in Geneva
- Lamasat Al Khair Association for Relief and Development
- Lêlun Association for Victims
- Lights For Development And Construction
- Lots Association
- Malva Organization for Arts, Culture and Education
- Mary for culture
- Mawj for Development
- Missing Persons’ Families Platform in North and East Syria (MPFP-NES)
- Nabd Team
- Nasmet Amal
- NES -LNGO- Platform
- Nour Al-Huda Charity Association
- Nowat organization
- Nûdem
- Nudem Organization
- Nujeen Association of Community Development
- Okaz
- Organization “Swaedna for Relief and Development
- Orgnaization of Zagon
- Orient Association
- Oxygen shabab
- Peac Tent
- Peace land organization
- Peace Pioneers
- PEACE SHE LEADER NETWORK
- PÊL- Civil Waves
- Purity
- Raja Organization for Relief and Development
- Ras Al-Ayn Platform
- RÊ for rehabilitation and development
- Reng for Development
- Restoring Hope
- Rights Defense Initiative- RDI
- Rojava Relief and Development Organization
- Rose
- Sahem Organization for Cooperation and Development
- Salam Organization
- Sanad Humanitarian Organization
- Sara Organization to Combat Violence Against Women
- Sawaeed Organization for Development
- SCSD
- Shamal Charitable Society
- SHARE FOR COMMUNITY DEVELOPMENT
- Silav Organization for Civil Activities
- Small Dreams Group
- SMART Center
- Stability Support Center.
- Synergy Association for Victims
- Syriac Cross Organization for Relief and Development
- Syrians for Truth and Justice – STJ
- Syrin Help Organization
- Taa Marbouta
- Tara Organization
- The Committee for the Displaced of Serêkaniyê /Ras al-Ain.
- Tree of Life Development Organization
- Warshin AssociatiOn Of Environment
- Weqaya Association
- Wheat & Olive Platform
- White Hope Organization
- White Human Organization
- Women for Peace
- Women Initiatives
- Youth for Change
- Zameen for Development and Peace Building
- Zhrat Al Furat Org
- Zorana for Development
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