Première édition des principes généraux – août 2025
Introduction
Les Syriennes et les Syriens disposent aujourd’hui d’une véritable opportunité de se réapproprier leur pays et de dessiner les contours d’un avenir et d’un nouveau contrat social fondés sur la justice, la vérité, la reddition de comptes et l’État de droit. Saisir cette opportunité exige un traitement sérieux de l’héritage de l’autoritarisme, des violations graves des droits humains et des crimes internationaux, ainsi que des profondes fractures sociales provoquées par plus d’une décennie de conflit et par des décennies d’oppression et de répression systématique.
Dans le cadre des démarches officielles entreprises par le gouvernement de transition en matière de justice, de vérité et d’équité – telles que la création de l’Autorité nationale pour la justice transitionnelle et de l’Autorité nationale pour les personnes disparues, et le lancement de leurs travaux, en plus du décret présidentiel n° (149) nommant les membres de l’Autorité nationale pour la justice transitionnelle – l’urgence se fait sentir d’établir un cadre national clair et transparent. Celui-ci doit reposer sur une communication continue de la part du gouvernement et sur un accès effectif à l’information nécessaire, afin de garantir une vision globale fondée sur les principes des droits humains, englobant toutes les catégories de victimes, et d’assurer la cohérence de ce processus avec les autres démarches pertinentes, telles que celles entreprises par le ministère de la Justice pour engager la responsabilité des figures du régime précédent.
Les expériences internationales démontrent que la réussite des processus de justice transitionnelle requiert un consensus national inclusif reflétant les intérêts de toutes les victimes sans discrimination, et garantissant leur participation effective à la construction de leur avenir. Dans le cas syrien, où s’entrecroisent les défis politiques, institutionnels, sécuritaires, économiques et sociaux, la nécessité d’un tel cadre devient d’autant plus pressante en tant que garant de tout processus de justice sérieux et effectif.
Les organisations de la société civile et les associations de victimes ont joué un rôle central au cours des dernières années, à travers leur expertise en matière de documentation, d’assistance juridique, de plaidoyer, de lutte contre l’impunité, de préservation de la mémoire collective et de résistance aux tentatives de clore les dossiers de violations sans reddition de comptes. À ce stade, il leur incombe de poursuivre ce rôle essentiel malgré les défis, car elles apportent des compétences, un soutien technique et une capacité d’accès qui peuvent contribuer à renforcer le travail des autorités nationales, à garantir leur indépendance et à assurer l’inclusivité et l’équité du processus.
Dès lors, il s’impose que les organisations de la société civile et les associations de victimes proclament un engagement commun envers des principes généraux unifiant leur vision et orientant leur action collective en faveur de toutes les victimes, pour la sauvegarde de la dignité et des droits des Syriennes et des Syriens sans discrimination. Aucun processus de justice transitionnelle en Syrie ne saurait réussir sans s’appuyer sur des principes clairs acceptés par l’ensemble des parties prenantes, afin de transformer la justice en un véritable outil de construction d’un État d’égalité et de droit.
En conséquence, la volonté des organisations de la société civile et des associations de victimes ayant contribué à l’élaboration du présent document s’accorde autour des principes généraux énoncés ci-après, considérés comme le socle minimal de consensus nécessaire pour instaurer un processus global de justice, de vérité et d’équité en Syrie, garantissant la reconnaissance des victimes et de leurs familles, la réalisation de la justice et l’assurance de la non-répétition des crimes et violations à l’avenir.
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Engagement en faveur d’un processus de justice global et non discriminatoire
Nous nous engageons à œuvrer pour garantir qu’un processus de justice soit fondé sur le principe d’égalité devant la loi, de manière à reconnaître toutes les victimes comme des personnes égales en droits, indépendamment des acteurs ou individus responsables des violations. Toutes les victimes disposent du plein droit d’accéder à la justice, de connaître la vérité et d’obtenir une réparation effective. Nous nous attacherons à combattre toute sélectivité dans l’application de la justice ou toute exemption accordée à certaines catégories, qui risquerait de compromettre la crédibilité du processus et de consolider de nouveaux griefs au lieu de les résoudre. La justice, la vérité et l’équité constituent des droits inaliénables pour toutes les victimes, sans aucune discrimination ni exception. Le respect de ces droits constitue la pierre angulaire de tout processus de justice transitionnelle sérieux et effectif.
Nous nous engageons également à garantir une représentation juste et inclusive de l’ensemble des victimes, y compris celles ayant subi une marginalisation accrue, telles que les minorités ethniques et religieuses, ou les victimes issues des zones échappant au contrôle de l’État et des différents territoires de conflit. La reconnaissance effective de ces catégories et l’assurance de leur participation réelle et de leur représentation équitable dans les processus de justice constituent une condition essentielle pour instaurer une justice véritablement inclusive et pour prévenir la reproduction, à l’avenir, de l’exclusion, de la discrimination et des violations.
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Centralité du rôle des victimes et de leur droit à la participation
Nous nous engageons à placer les victimes et les survivant·e·s au cœur des processus de justice, en tant que titulaires de droits et acteurs·rices principaux, détenteurs·rices d’expériences et de savoirs communautaires indispensables. Nous affirmons que leur rôle ne se limite pas à témoigner de la souffrance, mais s’étend à l’élaboration des politiques, à la définition des priorités et à la proposition de solutions fondées sur leurs besoins, leurs priorités et leurs aspirations. Placer les victimes au centre des processus de justice ne rend pas seulement ces derniers plus adaptés à la réalité et aux besoins des populations ; cela renforce également leur légitimité, élargit la confiance sociétale et contribue à bâtir une communauté fondée sur la reconnaissance, la responsabilité et la non-répétition.
Nous nous engageons à œuvrer et à plaider pour garantir une participation effective, méthodique et continue des victimes et des survivant·e·s, dès la phase de conception des processus de justice et tout au long de leur mise en œuvre et de leur évaluation. Nous nous engageons également à réunir les conditions nécessaires pour leur autonomisation, en leur fournissant l’information, le soutien psychologique et juridique, et en respectant leurs choix, leurs limites et leur consentement éclairé. L’inclusion des victimes ne signifie pas seulement les inviter à participer aux mécanismes de justice, mais implique de les habiliter à contribuer à la conception de ces mécanismes, à participer à la prise de décision et à déterminer les voies de justice qui reflètent leur propre vision. La participation n’est pas une question symbolique ou formelle, mais un droit juridique et fondamental, ainsi qu’une condition indispensable pour réaliser une véritable justice.
Nous nous engageons à reconnaître le rôle central des femmes survivantes de la détention arbitraire, de la violence fondée sur le genre et de toute autre violation, en tant que détentrices d’une expérience et d’un savoir uniques, capables d’impulser le changement. Nous travaillerons à soutenir les initiatives dirigées par des survivantes afin de contribuer à l’élaboration d’approches plus justes et inclusives de la justice, tenant compte des contextes locaux et genrés, réhabilitant les femmes marginalisées et ouvrant la voie à leur participation dans les espaces d’influence et de prise de décision.
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Affirmation du leadership des femmes dans les processus de justice transitionnelle
Nous nous engageons à promouvoir une justice transitionnelle inclusive, fondée sur une compréhension féministe approfondie, qui reconnaisse les violations systématiques subies par les femmes et les filles, ainsi que par d’autres catégories marginalisées en Syrie. Ces violations ne se sont pas limitées à la violence sexuelle, mais ont également englobé l’arrestation arbitraire, la disparition forcée, le déplacement, et la marginalisation structurelle dans l’espace public, notamment dans la sphère politique. L’instauration d’une justice transitionnelle dans une perspective féministe constitue une condition indispensable pour bâtir une paix juste et durable, restituant aux femmes leur place en tant que partenaires essentielles dans la reconstruction de la société et de l’État.
Nous œuvrons pour garantir la reconnaissance des violations commises à l’encontre des femmes et des filles, pour intégrer leurs souffrances dans le récit de la vérité, et pour concevoir des réponses tenant compte de la spécificité de leurs expériences. Cela implique d’autonomiser les survivantes afin de leur permettre de participer pleinement à la conception et à la mise en œuvre des mécanismes de justice, qu’il s’agisse des commissions vérité, des programmes de réparation ou des réformes institutionnelles, de manière à assurer la présence et le leadership de leurs voix. Nous affirmons notre engagement à contester les structures patriarcales dominantes qui reproduisent souvent la marginalisation, et à intégrer des principes d’égalité sensibles au genre dans l’ensemble des politiques nationales pertinentes, en particulier celles relatives à la réparation et à la garantie de non-répétition. Cela comprend la révision des lois discriminatoires à l’égard des femmes, ainsi que la lutte contre la violence institutionnelle et celle exercée par les organes de l’État, afin d’empêcher que les systèmes d’injustice ne se perpétuent sous le couvert de la loi ou du pouvoir.
Nous nous engageons également à développer des mécanismes efficaces pour combattre la stigmatisation et la discrimination envers les survivantes, soutenir leur intégration sociale dans la dignité, et adopter une approche intersectionnelle prenant en compte l’imbrication des différentes formes de discrimination (fondées sur le genre, l’appartenance ethnique, de classe, religieuse, géographique, etc.) et des violations, afin de garantir une justice transitionnelle inclusive, qui n’exclue personne et n’en reproduise pas de nouvelles formes.
Convaincu que la justice transitionnelle féministe ne se limite pas à la reconnaissance des violations, mais exige le traitement de leurs effets profonds sur les multiples aspects de la vie des femmes et des filles, nous affirmons notre engagement à élargir la notion de justice pour y inclure la dimension économique et sociale, à travers la garantie de réparations économiques, la restitution des droits des femmes en matière de logement, de terres et de propriété, ainsi que l’accès aux ressources et aux moyens de subsistance dignes. Nous accordons une importance particulière à la documentation, à l’archivage de la mémoire et à la protection des témoignages des survivantes contre toute exploitation ou politisation, considérant cela comme une étape nécessaire pour préserver la vérité et transmettre les expériences des femmes aux générations futures.
Nous appelons à la reconnaissance des femmes en tant que productrices de savoir, d’orientations politiques et de décisions, et à l’appui à la production de connaissances féministes fondées sur leurs expériences et leurs expertises, afin de renforcer leur participation active à la définition des trajectoires de justice. Nous insistons également sur la nécessité d’intégrer des services de santé mentale et physique durables dans les programmes de réparation, afin de traiter les séquelles profondes laissées par le conflit.
Nous veillons à adopter une approche intersectionnelle attentive aux femmes les plus marginalisées, telles que les femmes handicapées, âgées ou rurales, afin d’assurer l’inclusivité des processus de justice et d’éviter toute exclusion. Nous croyons à l’importance de relier la justice transitionnelle aux processus de reddition de comptes judiciaires et légaux pour garantir la fin de l’impunité, en particulier pour les crimes de violence sexuelle et de torture, tout en assurant la protection nécessaire aux survivantes et aux défenseuses des droits humains impliquées dans ces processus contre toute forme de ciblage ou de violence de représailles.
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Rejet de l’impunité
Nous nous engageons à rejeter l’impunité, considérée comme une condition fondamentale pour la réalisation de la justice transitionnelle en Syrie. Nous affirmons qu’aucune justice n’est possible sans la mise en cause effective de tous les auteurs de crimes internationaux et de violations graves des droits humains, quels que soient leur appartenance ou leur statut. L’universalité de la reddition de comptes est une exigence essentielle pour restaurer la confiance dans la justice, garantir la non-répétition des violations et consacrer l’État de droit.
Nous nous engageons à défendre le principe de reddition de comptes universelle comme condition essentielle pour instaurer une paix juste et durable, et nous rejetons tout compromis qui contournerait ou braderait les droits des victimes. Nous affirmons que toute mesure relative à l’amnistie, à la réconciliation ou à d’autres mécanismes similaires doit être évaluée selon des critères transparents et équitables, à travers un processus participatif impliquant les communautés affectées, garantissant ainsi le respect des droits des victimes à la vérité, à la justice et à la réparation, conformément au droit international. Nous nous opposerons également à toute tentative de réhabilitation ou de promotion de personnalités impliquées dans des violations des droits humains ou des crimes, en leur confiant des postes de responsabilité sans reddition de comptes, car cela constituerait une atteinte et un déni des droits des victimes, une menace pour le processus de justice et une consécration de la culture de l’impunité.
Pour nous, l’engagement en faveur de la reddition de comptes et le rejet de l’impunité ne représentent pas seulement une exigence juridique, mais un fondement pour bâtir une paix durable et une société fondée sur la justice et l’égalité. Nous affirmons que la reddition de comptes requiert des procédures judiciaires indépendantes, équitables et transparentes, respectant les normes internationales du procès équitable et garantissant aux victimes et aux survivant·e·s leurs droits à la réparation et à la reconnaissance. Elle contribue également à créer un espace public permettant aux victimes et aux survivant·e·s de partager leurs expériences diverses, et aide la société syrienne à affronter son passé et à prévenir la répétition des violations. Nous considérons que la reddition de comptes n’est pas un outil de vengeance, mais le seul moyen de construire une paix durable et une société juste, fondée sur la reconnaissance des violations et sur la participation effective des victimes à la réalisation de la justice.
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Leadership et appropriation syrienne inclusive du processus de justice
Nous nous engageons à œuvrer pour que les processus de justice, de vérité et d’équité en Syrie soient véritablement dirigés par les Syriennes et les Syriens, et portés par des efforts nationaux ancrés dans leurs priorités et leurs besoins, et non dans des modèles prédéfinis ou imposés. Nous affirmons que le leadership et l’appropriation syriens ne signifient pas la monopolisation de ces processus par l’État ou les autorités officielles, mais impliquent qu’ils soient le fruit d’une participation effective et large des victimes, des survivant·e·s, des associations de victimes, des organisations de la société civile et des communautés locales. En tant que parties prenantes directes, elles en sont détentrices et disposent du plein droit de façonner l’avenir de la justice, non pas comme simples observatrices, mais comme actrices disposant de la vision, de l’expertise et de la légitimité sociale nécessaires.
Notre engagement en faveur de l’appropriation syrienne des processus de justice n’exclut pas de tirer profit des expériences d’autres peuples ayant mené des parcours de justice transitionnelle, mais nous veillerons à adapter et reconstruire ces expériences conformément au contexte syrien.
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Coordination efficace et vision collective pour une justice transitionnelle inclusive et transparente
Nous nous engageons à agir dans un cadre participatif fondé sur des objectifs clairs, ayant pour référence juridique et éthique le droit international des droits humains. Cet engagement repose sur le respect de l’indépendance de chacun, sur une répartition des rôles selon l’expertise, l’ancrage communautaire et le respect du principe de « ne pas nuire », ainsi que sur le refus de toute instrumentalisation politique ou symbolique des victimes. Cela garantit la transparence, la responsabilité et le droit à une participation effective. En Syrie, justice, vérité et équité ne peuvent être réalisées sans une vision collective inclusive et sans une coordination efficace entre les organisations de la société civile et les associations de victimes, assurant une participation équilibrée et substantielle dans la conception et la mise en œuvre de ces processus, de manière à ce que les droits des victimes et des survivant·e·s en constituent le noyau.
Nous nous engageons à soutenir les initiatives locales émanant des communautés affectées, menées par les survivant·e·s, les familles des victimes et les leaders communautaires, en tant que piliers essentiels du processus de justice transitionnelle. Ces initiatives traduisent des expériences réelles et des besoins concrets, et contribuent à restaurer la confiance au sein de la société. Nous travaillerons à leur intégration dans tout cadre national global de justice, en tant que partenaires actifs dans la conception et la mise en œuvre des parcours de vérité, d’équité et de responsabilité.
En parallèle, nous aspirons à un processus de communication transparent et bilatéral entre les organisations de la société civile et les groupes de victimes d’une part, et les instances nationales constituées d’autre part, afin de garantir l’efficacité du travail, une coordination de haut niveau au service de ces enjeux cruciaux, ainsi que l’indépendance desdites instances nationales.
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Engagement en faveur du droit à la vérité
Nous nous engageons à œuvrer pour consacrer le droit à la vérité, en tant que principe reconnu du droit international et pilier fondamental des processus de justice transitionnelle. Ce droit n’est pas seulement une voie d’accès à la reddition de comptes ou un préalable aux poursuites judiciaires ; il est un droit autonome, personnel pour les victimes et leurs familles, celui de savoir ce qui s’est passé et le sort de leurs proches, et collectif pour la société syrienne, celui de connaître les faits des violations commises, leurs responsables et leurs causes. Ce droit permet de comprendre le passé et de bâtir un avenir fondé sur la reconnaissance, tout en contribuant à l’édification d’une mémoire collective servant à prévenir la répétition des violations.
Nous nous engageons à soutenir toutes les initiatives visant à promouvoir ce droit, qu’il s’agisse de documenter les violations, de développer des initiatives communautaires de préservation de la mémoire, ou de participer aux mécanismes institutionnels relatifs à la recherche des personnes disparues et victimes de disparition forcée. Nous veillerons à garantir l’accès des victimes et de leurs familles à l’information sans obstacles, en réhabilitant leurs expériences et en consacrant leur droit non négociable à la vérité et à l’équité.
Nous nous engageons également à créer un espace public permettant de consigner les récits marginalisés et tus, et à soutenir la construction d’archives permettant aux individus et aux communautés de connaître ce qui s’est produit et d’assurer le droit à la connaissance pour les générations futures. Nous affirmons que le droit à la vérité ne saurait être réalisé par l’imposition d’un récit dominant et unique, mais à travers la reconnaissance de la pluralité, la documentation des expériences diverses des communautés affectées, en tant que fondement essentiel pour prévenir la répétition et garantir l’équité.
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Engagement en faveur d’une reconstruction juste qui ne perpétue pas les violations
Nous nous engageons à œuvrer pour que le processus de reconstruction en Syrie fasse partie intégrante du parcours de justice transitionnelle et qu’il soit fondé sur les principes d’équité, de responsabilité, de participation et de non-répétition. Nous rejetons toute approche de la reconstruction envisagée comme une opération purement technique ou économique, et affirmons qu’elle constitue un acte politique, social et de développement, qui contribue à remodeler l’espace public, la mémoire et l’identité nationale. La reconstruction doit être utilisée comme un moyen de justice, et non comme un instrument de reproduction de la marginalisation, de la discrimination et de l’exclusion.
Le lien entre, d’une part, la reconstruction et, d’autre part, le développement communautaire et la construction d’une vie politique démocratique fondée sur la citoyenneté égale et l’alternance pacifique du pouvoir, constitue une condition indispensable. Dès lors, nous nous engageons à promouvoir tous les efforts visant à garantir que les politiques de reconstruction soient cohérentes avec les principes de justice transitionnelle et inclusives pour toutes les Syriennes et tous les Syriens, sans discrimination. Nous affirmons notre engagement à plaider et à agir en faveur de:
-La consécration de la justice spatiale à travers des projets de reconstruction répondant aux besoins des communautés affectées et respectant les droits des populations originelles, au lieu d’imposer des plans centralisés qui perpétuent le déplacement ou reproduisent la marginalisation, l’exclusion et les violations.
-La garantie d’une participation effective des victimes, des survivant·e·s et des communautés locales à toutes les étapes de planification et de mise en œuvre, notamment en ce qui concerne le retour, le logement, les services essentiels et les infrastructures.
-La conception de la reconstruction comme une opportunité de réaliser la justice économique, sociale et politique, à travers le démantèlement des structures juridiques et administratives ayant alimenté l’exclusion, la pauvreté et la discrimination.
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La justice transitionnelle comme processus de long terme et non comme moment ponctuel
Nous nous engageons à considérer la justice transitionnelle comme un processus de long terme, et non comme une réponse temporaire ou un outil de négociation. Nous affirmons qu’elle doit être construite par et pour les Syriennes et les Syriens, loin de toute instrumentalisation politique ou récupération officielle. Nous œuvrons pour que la justice transitionnelle contribue à rétablir la confiance entre l’État et la société, à démanteler les systèmes d’oppression et de discrimination, et à opérer une transformation réelle vers un État fondé sur l’État de droit, les droits humains et la citoyenneté égale.
Nous nous engageons à ce que la justice demeure pour nous un droit et non une revendication négociable, un processus continu qui ne s’achève qu’avec la réalisation d’une réparation complète pour les victimes et le rétablissement de la confiance des Syriennes et des Syriens dans la justice et les institutions. Nous veillons à ce que les parcours de justice intègrent les visions et approches issues de la base communautaire, notamment celles menées par les femmes survivantes et les communautés marginalisées, en tant qu’éléments fondamentaux de la construction d’un avenir plus juste et inclusif. Nous affirmons que les véritables transformations ne proviennent pas uniquement des décisions imposées d’en haut, mais du travail constant de reconstruction de la confiance au sein des communautés affectées et de la création d’espaces représentatifs effectifs pour les victimes en tant que titulaires de droits. Nous nous engageons également à nous opposer à toute tentative de marchandage des droits des victimes sous prétexte d’équilibres politiques ou de réalités transitoires.
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Partenariat international en soutien aux parcours de justice, de vérité et d’équité, sous leadership syrien
Nous nous engageons à renforcer un partenariat équilibré et effectif avec la communauté internationale, fondé sur le respect de la souveraineté nationale et mettant les droits des victimes au cœur de toute coopération. Nous œuvrons à tirer profit des expertises internationales et des mécanismes onusiens relatifs à la Syrie, notamment la Commission d’enquête internationale indépendante (COI), le Mécanisme international, impartial et indépendant (IIIM) et l’Organisation internationale pour les personnes disparues (IIMP), afin de soutenir les parcours de justice, de vérité et d’équité.Nous affirmons également la nécessité que cette coopération vise un transfert progressif de mandat, d’expertise et de savoir-faire des mécanismes internationaux vers les institutions nationales, dès lors que les conditions le permettent, afin d’habiliter les Syriennes et les Syriens à diriger eux-mêmes le processus de justice et d’assurer une véritable appropriation syrienne de la justice transitionnelle.
Comment construire sur ce document ?
Ce document a été intitulé « Première édition », dans l’espoir qu’il constitue un point de départ pour développer des principes plus détaillés au fur et à mesure de l’avancement du travail sur le dossier de la justice transitionnelle.
Les organisations de la société civile, les groupes de victimes, de survivant·e·s et leurs familles peuvent organiser des sessions consultatives autour de ce document de principes afin de bâtir une vision plus globale et approfondie et de parvenir à une compréhension commune de ces principes, à l’échelle de la géographie syrienne et dans la diversité des violations subies par la société syrienne.
Nous espérons que ce document constitue une pierre angulaire pour l’élaboration de plans de plaidoyer stratégiques plus détaillés à l’avenir, et qu’il serve de référence pour évaluer l’évolution du travail de l’Autorité nationale pour la justice transitionnelle et de l’Autorité nationale pour les personnes disparues, d’une part, et des aspirations de la société syrienne sur le dossier de la justice transitionnelle, d’autre part.
