Home La Presse des droits de l'Homme Après la Libye et l’Azerbaïdjan : Le Niger, une nouvelle destination pour des combattants syriens recrutés par une société de sécurité turque en tant que mercenaires

Après la Libye et l’Azerbaïdjan : Le Niger, une nouvelle destination pour des combattants syriens recrutés par une société de sécurité turque en tant que mercenaires

A leur tête, la "Brigade Sultan Mourad" a envoyé des factions syriennes de l'opposition, regroupées sous la bannière de l' "Armée nationale syrienne" soutenue par la Turquie, avec au moins 1000 combattants au Niger entre novembre 2023 et avril 2024

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À la fin de l’année 2023, “Syrians for Truth and Justice” a obtenu des témoignages exclusifs indiquant qu’une société de sécurité turque, proche du gouvernement du Parti de la justice et du développement, a commencé à envoyer de nouveaux contingents de combattants des factions de l’ “Armée nationale syrienne/ de l’opposition ” à destination du Niger en tant que mercenaires. Ces informations n’ont pas été révélées immédiatement par ” Syrians for Truth and Justice ” afin de vérifier leur exactitude et obtenir des témoignages supplémentaires et de croiser les informations, en raison du manque de preuves suffisantes et des contradictions dans certaines informations réçues et  publiées plus tard sur ces nouvelles opérations de recrutement.

Le recrutement de combattants syriens en tant que mercenaires est devenu une pratique courante pour des entités liées aux autorités turques. Ces entités, proches des services de sécurité turcs, ont déjà utilisé des membres syriens de factions qu’elles soutiennent et contrôlent comme mercenaires dans des conflits armés qui ne les concernent pas directement, mais qui servent principalement ses relations avec certaines acteurs dans ces conflits. Le Niger devient ainsi la nouvelle destination après la Libye et l’Azerbaïdjan. De manière similaire, la Russie a également recruté des combattants syriens comme mercenaires pour les envoyer en Libye puis en Ukraine.

Les récentes opérations de recrutement ont pour objectif de « protéger des projets et intérêts turcs, y compris des mines » au Niger, selon trois combattants rencontrés par “France 24”. Ils ont déclaré avoir signé des contrats de recrutement d’une durée de six mois avec la société privée “Sadat International conseil en défense”. L’un d’entre eux a confirmé avoir signé le contrat en présence d’officiers de la même société.

Abordant les activités de la société “Sadat” dans son rapport “Armées de l’ombre (2)”, le “Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression” a relayé les informations du site français “Africa Intelligence”, selon lesquelles la société “a formé des combattants de l’opposition syrienne, et que les groupes armés qu’elle a formés ont vu leur loyauté envers la Turquie et Erdoğan renforcée au détriment de la Syrie”.

En 2021, Melih Tanrıverdi, président du conseil d’administration de la société, a admis que “Sadat” collabore avec l’Organisation nationale du renseignement turc (MiT) et qu’elle coordonne avec les diplomates et les responsables de la défense turcs. La même année, le fondateur de la société, Adnan Tanrıverdi, a déclaré que l’objectif de la création de la société était de « fournir un service aux États islamiques que les forces armées turques ne peuvent pas atteindre », tandis que la société confirme que « le profit n’est pas le seul but », mais qu’il s’agit également de « servir l’idéal de changer l’équilibre des forces en faveur de l’Islam ».

Selon des sources militaires syriennes de l’opposition, bien informées, consultées par ” Syrians for Truth and Justice ” dans le cadre de ce rapport, plusieurs factions de premier plan de l’Armée nationale syrienne (opposition) impliquées dans les opérations de recrutement en coordination avec les services de sécurité turcs, ont envoyé au moins 1000 combattants syriens au Niger en trois contingents, en passant par le poste frontière de Hawar Kilis, au nord-ouest de la Syrie, jusqu’à la ville de Kilis en Turquie, à bord de bus de l’armée turque.

Selon une source, le premier contingent a quitté le territoire syrien dans la première moitié du mois de novembre 2023 et est arrivé au Niger au début de janvier 2024. Les deuxième et troisième contingents ont quitté la Syrie ensemble durant la première moitié du mois d’avril 2024 et sont arrivés au Niger dans la seconde moitié du même mois.

Les conditions économiques difficiles poussent de nombreux combattants syriens à accepter les offres de recrutement, malgré les risques auxquels ils peuvent être confrontés dans le pays de destination, y compris la mort au combat. Une source a fourni à ” Syrians ” une liste de 17 combattants tués au Niger en mai 2024.

Dans ce rapport, ” Syrians ” révèle les détails concernant la mort de ces combattants, ainsi que les mécanismes et les conditions de recrutement, les montants promis aux combattants pour leur déplacement au Niger, les missions qui leur ont été confiées, et les moyens de transport utilisés depuis le nord de la Syrie, en passant par la Turquie, jusqu’au Niger.

Le rapport s’appuie sur quatre témoignages détaillés recueillis par les chercheurs sur le terrain de ” Syrians ” entre janvier et juillet 2024, à travers deux entretiens avec des sources militaires de “l’Armée nationale syrienne”, dont un combattant arrivé au Niger au début de l’année, et un autre entretien avec le père d’un des combattants tués et proche d’un combattant dont le corps a été récemment rapatrié dans le nord de la Syrie.

Trois des entretiens ont été menés en personne dans des lieux considérés comme sûrs et respectant la confidentialité par les chercheurs et les sources, tandis que le quatrième a été réalisé en ligne via une application de communication sécurisée. Les quatre sources ont été informées de la nature volontaire de l’entretien et des modalités d’utilisation des informations qu’elles ont partagées, y compris la publication de ce rapport. Elles ont toutes préféré garder l’anonymat en raison de la sensibilité de leurs témoignages. En plus de ces témoignages, ” Syrians ” a consulté une série de rapports en accès libre portant sur ces opérations de recrutement, dont certaines informations recoupent celles fournies par les sources de ce rapport.

1 – Le premier contingent et les conditions de recrutement:

Avant l’envoi des combattants au Niger, deux réunions principales ont eu lieu en septembre 2023, selon “Youssef Al-Mohammed”, un chef de la brigade “Sultan Murad” dirigée par “Fahem Issa”.

Selon la source, la première réunion, qui s’est tenue le 5 septembre 2023 dans la ville syrienne de Kilis, a rassemblé des représentants des autorités turques avec des commandants des factions de l'”Armée nationale syrienne” soutenue par la Turquie. Parmi les participants figuraient “Fahem Issa”, “Mohammed Al-Jassem” (Abu Amsha), chef de la brigade “Sultan Suleiman Shah” (Al-Amshat), et “Saif Abu Bakr”, chef de la brigade “AL-Hamza” (Al-Hamzat).

Après cette réunion avec les services de sécurité turcs, les commandants de l’Armée nationale ont tenu une autre réunion au quartier général de la brigade “Sultan Murad” dans la ville d’Afrin. En plus de Fahem Issa, Mohammed Al-Jassem et Saif Abu Bakr, plusieurs autres commandants de premier plan du deuxième corps d’armée, et les escortes de chaque commandant militaire ont participé, selon la source.

Après ces deux réunions, les commandants ont convenu d’annoncer en interne la formation d’un contingent de combattants pour partir au Niger. Youssef raconte:

“Les participants ont convenu de charger les chefs de bataillon des factions d’annoncer la préparation d’un groupe de pas plus de 500 combattants pour se rendre au Niger comme premier contingent (…) selon des conditions précises, mais l’annonce a été faite en interne au sein de la salle d’opération conjointe, et non par des identifiants officiels ou des médias”.

L’annonce du recrutement incluait des conditions précises pour l’acceptation des combattants qui seraient envoyés au Niger. Selon Youssef:

“Il est requis que le combattant ait déjà suivi une formation militaire en Turquie, qu’il ait moins de 35 ans, et qu’il soit un combattant professionnel avec des spécialités particulières (comme : équipages de blindés, tireurs d’élite, assaillants d’infanterie, artilleurs de moyenne portée) afin de protéger les bases et les investissements turcs au Niger en collaboration avec les forces russes”.

Concernant les salaires des combattants qui se rendront au Niger, Youssef a déclaré:

“Un membre de premier grade, tel qu’un commandant de bataillon, reçoit un salaire de 2500 dollars, tandis qu’un membre de deuxième grade, c’est-à-dire un combattant, reçoit 1500 dollars. Un membre de troisième grade, responsable interne des quartiers généraux, perçoit 1000 dollars.”

Selon Youssef, la mauvaise situation économique et les conditions de vie difficiles dans le nord de la Syrie ont poussé de nombreux membres à se rendre au Niger:

“Beaucoup de combattants ont été encouragés à partir pour le Niger en raison de la pauvreté dans la région et des promesses faites par leurs commandants de garantir tous leurs salaires, ainsi que de l’enthousiasme croissant pour être

parmi les premiers à arriver et ainsi obtenir une grande part des ‘butins’, comme cela s’est produit en Libye, notamment de l’or et de l’argent”.

“Syrians for Truth and Justice ” a précédemment documenté l’implication de plusieurs membres des factions de l’Armée nationale syrienne, envoyés en Libye par la Turquie en tant que mercenaires, dans de nombreuses violations, allant de l’imposition de taxes sur les commerces au pillage de certains d’entre eux, ainsi que dans des attaques contre les domiciles de civils pour en voler le contenu, y compris de l’or et de l’argent, qu’ils considéraient comme des butins de guerre.

Selon Youssef, la préparation des combattants du premier contingent a commencé environ 10 jours après la réunion des chefs de factions, et leur nombre était d’environ 420 combattants, principalement originaires des provinces d’Alep, Damas et Deir ez-Zor, sélectionnés parmi plusieurs factions : la brigade “Sultan Mehmed Alfateh”, dirigée par “Doğan Süleyman” (Abu Islam), la brigade “Samarkand”, dirigée par “Thaer Marouf”, la brigade “Waqas”, dirigée par “Saad Abbas”, ainsi que les brigades “Sultan Murad”, “Sultan Suleiman Shah” (Al-Amshat),  “Hamza” (Al-Hamzat), et le deuxième corps de l’Armée nationale.

Concernant le trajet des combattants du nord de la Syrie au Niger, Youssef a expliqué:

“Les membres ont été transportés des quartiers généraux de l’Armée nationale dans la ville d’A’zaz vers la ville turque de Kilis au début de novembre 2023. Peu de temps après, ils ont été transférés à l’aéroport de Gaziantep, puis à l’aéroport d’Istanbul, fin décembre 2023”.

Youssef a ajouté que le responsable de liaison entre une agence de sécurité turque et les chefs de factions avait confisqué les téléphones de tous les combattants, avec la promesse de les remettre aux consignes de chaque faction. Il a précisé que :

“Quelques combattants ont réussi à se procurer des téléphones à leur arrivée au Niger et ont parlé à leurs amis de l’Armée nationale encore en Syrie, leur confirmant qu’ils étaient arrivés au Niger au début de janvier 2024”.

Syrians for Truth and Justice ” a obtenu des informations supplémentaires sur le mécanisme de recrutement de la part de “Thaer Al-Ali”, un combattant de la brigade “Sultan Murad” qui faisait partie des combattants envoyés au Niger.

“L’inscription se faisait par le biais de groupes WhatsApp spécifiques à la brigade de la division ‘Sultan Murad’. Les noms étaient ensuite transmis au bureau des effectifs de la brigade. Au total, 800 combattants ont été enregistrés au sein de la brigade, mais cela s’est fait dans le plus grand secret, sans aucune mention de la durée du contrat ni des missions qui seraient confiées aux combattants au Niger. Même le nom du commandant qui dirigerait le contingent là-bas a été gardé secret. Quant aux salaires, ils s’élèvent à 1500 dollars américains, dont 1000 dollars vont au combattant et 500 dollars reviennent au chef de la brigade”.

Selon Thaer, Fahem Issa, le chef de la brigade ‘Sultan Murad’, a nommé le lieutenant ‘Araba Idris’ responsable du dossier de recrutement. Ce dernier a ensuite contacté les autres chefs de brigades et a reçu d’eux les dossiers des combattants qui seraient envoyés au Niger.

Araba Idris est le commandant de la ‘Brigade 123’ au sein de la brigade et a déjà participé à l’envoi de combattants en Libye et en Azerbaïdjan, ainsi qu’à la préparation d’éléments de la brigade pour leur envoi en Ukraine (bien que cet envoi n’ait pas eu lieu en raison des accords turco-russes de l’époque et du désir de la Turquie de jouer un rôle de médiateur dans la guerre russo-ukrainienne). Selon les informations contenues dans la base de données de ” Syrians for Truth and Justice”, plusieurs des combattants supervisés par Idris en Libye se sont rendus coupables de nombreuses violations.

Thaer a confirmé que le départ du nord de la Syrie s’est effectué via le poste-frontière de Hawa Kilis à bord de bus turcs. Il a ajouté que, pendant le voyage, tous les téléphones portables des combattants ont été confisqués par les officiers turcs qui les accompagnaient”.

2 – Les deuxième et troisième contingents:

Les préparatifs des deuxième et troisième contingents de combattants ont été achevés dans un camp fermé de la brigade “Sultan Murad” dans la ville d’Afrin. Ils ont ensuite été envoyés au Niger à bord d’avions cargos, selon Youssef, qui a ajouté :

“Les deuxième et troisième contingents (ensemble) ont été envoyés à la mi-avril 2024 dans les dortoirs militaires de la province de Kilis, en Turquie, sous la supervision de Fahim Issa et Sami Abou Abdo. Ils ont été transportés à l’aéroport de Gaziantep par bus de tourisme, puis à l’aéroport d’Istanbul, avant de rejoindre le Niger à bord d’avions cargos”.

Concernant le nombre et les spécialités des membres des deuxième et troisième contingents, Youssef a déclaré :

“Les deux contingents comptaient 610 combattants avec diverses missions militaires (bataillon de dissuasion, bataillon d’infanterie, unité de tireurs d’élite). Notre mission consistait uniquement à les accompagner jusqu’à l’aéroport de Gaziantep et à recueillir leurs effets personnels, tels que l’argent, les cartes d’identité militaires, les téléphones portables, etc”.

Selon Youssef, quelques jours après le départ des combattants, des informations ont confirmé leur arrivée à la base turque au Niger :

“Nous avons reçu des informations au quartier général militaire concernant l’arrivée des contingents de combattants à la base turque au Niger le 16 avril 2024, transmises par le responsable de la coordination de la sécurité turque, Kemal T., qui nous a rendu visite au quartier général du commandant Fahim Issa, à la frontière syro-turque près du poste militaire de Kilis”.

Plusieurs commandants de “l’Armée nationale” ont assisté à cette réunion avec Kemal : Fahim Issa, Mohammad Al-Jassim (Abu Amsha), Saif Abou Bakr, Araba Idriss, Sami Abou Abdo (chef d’état-major de la brigade Sultan Murad), Mamoun Kabso (Abu Al-Furat Tel Rifaat), commandant de la brigade 102 de l’Armée nationale, Front de Cham,  Asid Al-Turkomani, commandant militaire du deuxième corps de l’Armée nationale, proche de Fahim Issa. Ces sept commandants sont parmi les principales personnalités sur lesquelles la Turquie s’appuie pour faire avancer le processus de mercenariat dans les zones contrôlées par l’Armée nationale, en recrutant des combattants et en les envoyant à l’étranger.

Youssef a déclaré que les commandants et le responsable turc ont convenu lors de cette réunion de préparer un quatrième contingent de combattants :

“Il a été discuté de la préparation d’un nouveau contingent  de combattants, composé de 1 000 combattants, qui rejoindrait les contingents précédents dans les bases de combat au Niger ; (il a été convenu) que cette fois, ce contingent serait formé et préparé dans le camp d’entraînement dans la campagne de la ville de Tal Abyad, à l’intérieur de la base turque de la ville de Meksourah, sous la supervision de Araba Idriss, Asid Al-Turkomani et plusieurs officiers militaires turcs”.

Le témoin a poursuivi :

“Quelques jours après la réunion, le 26 avril 2024, environ 700 combattants des forces de ‘l’Armée nationale’ ont été préparés sur les ordres de leurs commandants mentionnés ci-dessus. Ils ont été transportés par bus de tourisme après s’être rassemblés dans le camp d’entraînement de la ville d’Afrin, jusqu’à la province de Kilis, en Turquie, puis vers la base turque de la ville de Meksourah, dans la campagne de Tal Abyad”.

Selon la source, et jusqu’à la date de la documentation de ce témoignage le 15 mai 2024, ce contingent était encore en formation et en préparation pour devenir le quatrième contingent qui sera envoyé au Niger début juin 2024.

3 – Décès de mercenaires:

” Syrians ” a parlé à Mazen Al-Khatib, le père d’un des combattants envoyés au Niger, qui avait reçu le 13 mai 2024 la nouvelle de la mort de son fils là-bas avec d’autres combattants. Il a ajouté que son fils était un combattant dans la brigade “Hamza/Al-Hamzat” et qu’il avait combattu en Syrie et à l’étranger. Il avait “participé il y a deux ans aux combats en Libye et était revenu sain et sauf après environ un an”.

Concernant le recrutement de son fils au Niger et le salaire qui lui a été proposé par la brigade “Hamza/Al-Hamzat”, le père a déclaré:

“Vers la fin de l’année dernière, environ en septembre ou octobre 2023, Mohamed m’a informé de son intention d’aller au Niger, après que son commandant de bataillon, Suleiman Sheikh Abou Nassar, affilié à la brigade Al-Hamzat, lui ait demandé d’accepter de s’inscrire en raison de ses compétences militaires exceptionnelles et de son expérience dans plusieurs endroits en Syrie et en Libye, en échange d’une compensation financière sous forme d’un salaire de 1 500 dollars par mois, en vertu d’un contrat d’une durée d’un an”.

Malgré l’objection du père au recrutement de son fils au Niger, craignant la nature désertique du pays, Mohamed a insisté pour rejoindre un camp affilié à la brigade “Sultan Murad” dans des fermes de la région de Rajo, dans la campagne d’Afrin, où les soldats reçoivent une formation spéciale pour le combat au Niger :

“Quelques jours plus tard, (Mohamed) nous a informés qu’il allait rejoindre un camp dans la campagne d’Afrin, spécialement pour la brigade ‘Sultan Murad’ avec les autres combattants qui se rendraient au Niger, et qu’il ne pourrait plus revenir à la maison avant la fin de la mission qui lui avait été confiée”.

Mohamed a emballé ses affaires personnelles dans un petit sac, qui contenait, selon son père : “un uniforme militaire, un pyjama, des sous-vêtements, son téléphone portable, sa carte d’identité militaire, sa carte d’identité civile, une cartouche de cigarettes, son pistolet personnel et une somme de 200 dollars”. Concernant le départ de Mohamed de la maison vers le camp, la source a déclaré :

“Le commandant de son bataillon (Suleiman Al-Sheikh) est venu avec sa voiture personnelle accompagné de son escorte, ainsi que de sept bus de transport de passagers appartenant à la brigade Al-Hamzat, contenant les combattants qui allaient partir pour le Niger. Mohamed est monté dans le bus, et ce fut la dernière fois que nous l’avons vu”.

Pendant les deux mois qui ont suivi le départ de Mohamed, la famille a tenté de se renseigner sur son sort au Niger, mais elle n’a pas pu obtenir d’informations précises, car les communications étaient extrêmement difficiles et limitées aux commandants et à leur escorte, jusqu’à ce qu’ils reçoivent la nouvelle de la mort de Mohamed avec d’autres soldats dans une embuscade bien organisée.

Le père s’est immédiatement rendu au bureau militaire de l’état-major de la brigade “Hamza/Al-Hamzat” et a demandé à rencontrer l’un des commandants militaires responsables du dossier des combattants au Niger. Un des éléments présents lui a demandé d’attendre à l’extérieur du bureau jusqu’à l’arrivée d’un haut commandant de la brigade “Hamza/Al-Hamzat” nommé “Al-Battar”. La source a déclaré :

“Après trois heures d’attente (…), le garde m’a conduit dans le bureau d’Al-Battar, et le commandant m’a confirmé la mort de mon fils au Niger. Il m’a dit qu’il était tombé en martyr dans une embuscade avec plusieurs autres éléments, et que les forces de “l’Armée nationale syrienne” n’avaient pas pu récupérer leurs corps, car la zone est un champ de bataille intense et ils ne peuvent pas avancer vers le lieu de l’embuscade. J’ai été bouleversé par la nouvelle et je me suis assis pour pleurer et me lamenter sur mon fils.”

Concernant les procédures et les compensations après que la brigade “Hamza/Al-Hamzat” a reconnu la mort de Mohamed, la source a indiqué :

“Al-Battar m’a informé qu’il me remettrait les affaires personnelles de mon fils (Mohamed), car ils avaient collecté tous les effets des combattants avant leur départ pour le Niger. En effet, il a demandé au garde d’apporter les affaires, et j’ai reçu le sac de mon fils contenant son téléphone portable, sa carte d’identité civile, et son pistolet personnel seulement”.

La source a ajouté:

“Il m’a également informé que Mohamed avait droit à deux mois de salaire, et que nous recevrions le paiement une fois arrivé du côté turc, ainsi qu’une indemnité pour sa mort comprise entre 15 000 et 20 000 dollars, qui nous serait également remise lorsqu’elle arriverait du côté turc. Al-Battar m’a demandé de les revoir à la fin de chaque mois jusqu’à ce que nous recevions le montant mentionné”.

La source a également mentionné qu’Al-Battar lui avait fortement conseillé de ne pas apparaître dans les médias et de ne divulguer aucune information concernant lui ou son fils, pour ” ne pas être tenu responsible un jour”.

Selon les informations contenues dans la base de données de ” Syrians “, Al-Battar a participé aux combats en Libye et en Azerbaïdjan, et il était responsable de la coordination entre les officiers turcs et les officiers de la brigade “Hamza/Al-Hamzat” lors de ces combats.

Le nom de Mohamed figurait sur une liste de 17 noms que Youssef a déclaré appartenir à des combattants syriens tués au Niger en mai 2024, en précisant :

“Le 9 mai 2024, Suleiman Al-Sheikh, commandant du bataillon d’infanterie du premier contingent  au Niger, a contacté, par l’intermédiaire d’un officier militaire turc de la base turque, pour l’informer qu’il avait perdu 17 combattants dans une embuscade avec des mines terrestres alors qu’ils se rendaient pour fortifier et creuser des tranchées sur les lignes de front. Il n’a pas pu récupérer les corps, car la zone était sous une intense surveillance de feu, et les combattants nigériens ont collecté les corps et les ont brûlés la nuit en y versant des substances inflammables”.

Selon la source, les morts sont:

  1- Abdul Rahman. H / Idlib

  2- Abdul Rahman. J/ Idlib

  3- Abdul Hamid. B/ Idlib

  4- Karime. B/ Idlib

  5- Khaled. Ch/Daraa

  6- Tayseer. S/Homs

  7- Youssef. A/ Homs

  8- Muhamed. F/ Damas

  9- Raed. D/ Damas

  10- Farid. k/ Damas

  11- Amer. D/ Raqqa

  12- Maysarah. A/ Raqqa

  13- Hatem. G/ Deir ez-Zor

  14- Mansour. G/ Deir ez-Zor

 15- Mansour. H/ Alep

  16- Qassim. M / Alep

 17- Mamdouh. N/Alep

En date du 7 juillet 2024, le corps d’« Ahmad D» (29 ans), l’un des combattants de la brigade « Sultan Suleiman Shah » (Al-Amshat)  au Niger, est arrivé dans le nord de la Syrie, selon Hossam Rizq, un proche du soldat décédé. Celui-ci a ajouté que le groupe avait reçu le corps au poste-frontière militaire d’Azaz, adjacent à la ville de Hawar Kilis. Concernant la cause du décès, Hossam a raconté ce qui suit :

” Il y a trois jours, un membre de la brigade « Sultan Suleiman Shah » (Al-Amshat) nous a informés qu’il avait entendu de la part de l’accompagnateur d’Abu Amsha (le commandant de la brigade) qu’Ahmad était décédé d’une crise cardiaque causée par une surdose de drogues. Abu Amsha intensifie ses contacts avec les Turcs et avec Fahim Issa pour rapatrier le corps d’Ahmad, car Ahmad était un de ses proches, un membre de sa famille et un habitant de sa région “.

Hossam précise qu’une relation de confiance solide unissait Ahmad et Mohamed Al-Jassim (Abu Amsha), ce qui a conduit ce dernier à l’envoyer en Libye puis au Niger :

” Ahmad avait précédemment été envoyé en Libye par Abu Amsha. Je me souviens que c’était en mi-mars 2020. Il y a perçu un salaire élevé, a effectué des missions de livraison de munitions, a vérifié les armes et a veillé à ce qu’elles ne soient pas volées ni vendues, car Ahmad était considéré comme une personne de confiance par Abu Amsha. Il est resté en Libye pendant un an et demi, puis est rentré sain et sauf à Afrin, avant de reprendre son poste de sous-officier de l’armement “.

Hossam a ajouté:

” Récemment, Ahmad a été envoyé par Abu Amsha avec un groupe de jeunes de la brigade et ils ont rejoint les camps d’entraînement de Sultan Murad à Afrin, spécialement pour les éléments autorisés à se rendre au Niger pour protéger les bases et les intérêts turcs. Il me semble qu’il est arrivé au Niger le 13 mai 2024″.

Le commandement de la brigade « Sultan Suleiman Shah » (Al-Amshat) a invité la famille d’Ahmad, originaire de Hama, à lui dire adieu au siège de la brigade à Afrin le matin du 8 juillet 2024. Le corps a ensuite été transféré dans un cercueil et enterré au cimetière des habitants de Hama dans la ville d’Atarib, dans la province d’Alep. Les condoléances sont présentées dans une tente dressée près de la maison familiale à la localité de Tal al-Karama, dans la province d’Idleb.

Hossam a déclaré qu’Abu Amsha avait contacté un des proches d’Ahmad et lui avait dit:

” Ahmad a des salaires dus que son frère ou un de ses proches doit récupérer pour les mois non perçus au Niger, et il va suivre avec les Turcs le dossier de compensation financière pour la famille d’Ahmad, qui s’élève à 30 000 dollars “.

4- Pourquoi le Niger?

Le 26 juillet 2023, le Niger a connu un coup d’État militaire orchestré par la garde présidentielle, qui a conduit à la destitution du président Mohamed Bazoum et à la formation d’un nouveau conseil militaire, pour diriger le pays, dirigé par le général Abdul Rahman Tiani, chef de la garde présidentielle. Cet événement a été perçu comme un revers pour l’influence occidentale traditionnelle représentée par les États-Unis et la France, au profit d’une nouvelle alliance regroupant la Russie, la Chine, l’Iran et la Turquie.

Gabriella Korling, chercheuse à l’Institut suédois de recherche sur la défense, a expliqué que le volet défensif de la relation entre le Niger et la Turquie est devenu de plus en plus important avec la signature d’un accord de coopération militaire en 2020. Elle a ajouté que le coup d’État n’a pas perturbé les relations diplomatiques entre les deux pays, mais les a plutôt renforcées.

Ankara a exprimé son opposition aux menaces du groupe “CEDEAO” (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) d’intervenir militairement au Niger pour rétablir le président déchu. En mars dernier, elle a nommé son premier attaché militaire au Niger, dans le cadre de mesures diplomatiques supplémentaires, suivies de l’envoi de combattants syriens des factions de l’« Armée nationale syrienne » pour protéger ses intérêts sur place.

L’armée du Niger a justifié le coup d’État par la nécessité de lutter contre les attaques violentes menées par des groupes terroristes, dont certains ont prêté allégeance à l’État islamique (Daech) et d’autres à Al-Qaïda. Cependant, le rythme des attaques n’a pas diminué.

En 2021, « Syrians » a publié un rapport détaillant 27 noms de dirigeants, responsables de la sécurité et membres de l’État islamique, ayant occupé des postes de leadership et/ou été intégrés dans les rangs de l’« Armée nationale syrienne », y compris des factions ayant envoyé des combattants et des civils syriens pour combattre comme mercenaires en Libye et en Azerbaïdjan.

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